Le refuge

 
 
 

Depuis le décès de ma maman, je n’ai jamais autant pris de temps pour moi.
Sans plus aucune culpabilité, d’ailleurs pourquoi devrait-on culpabiliser d’avoir besoin de temps pour soi ?
Pour ne rien faire, recharger les batteries, vivre dans le moment présent, se reposer, flâner.
On associe bien souvent la paresse et le repos à une sorte de mal-être, imposée par une société consumériste où chaque minute compte.

Le travail c’est la santé, qu’ils disaient. À d’autres. Le temps, c’est la santé, et j’en ai fait mon nouveau crédo.

La perte d’un être cher a le pouvoir de vous ramener à la vie. Cela prend du temps, mais la valeur de la vie redouble, l’importance de ce que l’on en fait, tout fait sens lorsque vous vous retrouvez face à la mort.
Le deuil prend du temps, et bien malgré soi, on ne peut que l’affronter, de but en blanc. Notre vie peut basculer à tout moment. Et on le sait désormais que trop bien.

Je me suis beaucoup isolée depuis presque un an, coupée du monde, pris pour la première fois tous mes congés annuels pour ne rien faire, être chez-moi, seule dans mon refuge, cela ne m’était jamais arrivé depuis que je travaille. Une vraie détox de la vraie vie, des voyages, des réseaux sociaux et du blog.
J’étais déjà à saturation avant cela, et beaucoup de choses se bousculaient dans ma tête depuis de nombreux mois, au fil de mon apprentissage de la vie, de mes lectures écologiques et de la prise de conscience que ce que je faisais ne me correspondait plus, n’était plus en accord avec mes valeurs.

Je me dis aujourd’hui que la vie m’a rappelé à l’ordre, et remis sur le droit chemin. Ne plus courir partout, s’éparpiller, courir après un monde qui n’existe finalement pas. Ré-apprendre à se contenter de peu, retrouver l’authenticité, le plaisir de ne rien faire, de s’autoriser à être soi-même, mais surtout ne plus avoir à regarder le cadran de l’horloge, une vraie révélation.

Le confinement a été la cerise sur le gâteau de tous ces mois de solitude excessive. L’autorisation officielle de se retrouver soi-même. Découvrir à la fin de l’hiver les matins ensoleillés dans son appartement, apprivoiser son nouveau chez-soi, (re)connaître les petits oiseaux avoisinants, tels étaient mes nouvelles occupations et je m’en contentais bien facilement, finalement. Tout ce temps a été aussi bien angoissant au début, réconfortant un temps, mais surtout avec le recul, il m’a été libérateur, d’un poids qui me pesait depuis de nombreux mois. D’une vie que je ne voulais plus, et d’une nouvelle que je n’avais pas encore le courage d’arrimer.

Différentes lectures m’ont aussi confortée dans ce plaisir de trouver refuge au fond de moi, et chez-moi.
On a tendance à vouloir s’échapper, fuir la réalité et le quotidien dans un tas d’activités, de sorties, d’achats, de la superficialité des choses qui finalement ne nous confortent que sur le moment. Combien sommes-nous à avoir peur de l’ennui ? À appuyer frénétiquement sur nos téléphones dès qu’un moment de répit nous est donné ? Nous ne supportons plus l’ennui et n’en savons que faire car la société nous a subtilement appris à être toujours occupés. Jusqu’au surmenage, au trop-plein.

Et quel bonheur de ne plus dépendre de rien, de ne plus se préoccuper que de soi et du moment présent, de n’avoir plus passé ni avenir mais seulement être là, dans l’instant T.
Accorder de l’importance à des plaisirs simples, renouer avec le moment, savourer pleinement chaque instant, comme il vient. Pour la créativité et l’imagination, rien de mieux que de n’avoir rien à faire ni aucun programme. Pas de stress, pas de rendez-vous important, pas d’injonctions à sortir “tu vas faire quoi ce week-end ?”.

Le refuge est bon pour le moral, bon pour les créatifs, bon pour soi. Il peut être vétuste, modeste ou fantasque, tant qu’il recèle d’un lieu à soi, il permet de s’ouvrir au monde comme jamais. De retrouver l’énergie d’affronter le monde, la dureté de la vie. Dans un lieu à soi, on se pose mille questions, on tente de refaire le monde, de s’inventer, se modeler, se façonner une vie qui n’a aucune limite. Sans pression, cet mise en abîme permet de se révéler au monde tel qu’on le souhaite, plutôt que comme lui le veut. C’est ce que m’ont prouvé ces quarantaines, elles m’ont permis de me réconcilier avec moi-même, de trouver la paix intérieure, et l’énergie nécessaire, pour repartir à zéro.

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Lectures associées :
Un chambre à soi, Virginia Woolf
Chez Soi, Mona Chollet
L’art d’être oisif, Tom Hodgkinson
Rendre le monde indisponible, Hartmut Rosa

 
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