Se reconnecter à la vie
Chercher ailleurs ce que nous n'avons plus ici. C'est devenu un peu mon mantra. La recherche d'un peu d'humanité, d'un peu de générosité, d'entraide. Le cœur des Hommes est bien plus beau ailleurs.
Là où la modernité n'a pas encore empiété sur la vie, là où le consumérisme n'est pas encore né, là où les sentiments sont toujours plus fort que les désirs. Là où le cœur est encore pur, à l'état brut, où la spontanéité existe encore. Là où la vie est plus dure, bien moins indulgente, et où à chaque jour suffit sa peine.
Il est des pays où l'on rit de rien, où l'on s'affectionne de la moindre attention, où le sourire est omniprésent, et où l'on fait des blagues nulles mais l'on s'esclaffe de rire à leur simple élocution.
Retrouver la paix intérieure, la joie de vivre, de s'écouter, de se regarder dans les yeux. Prendre le temps de se poser, d'être là, en phase avec le monde, avec la réalité. Être présent n'est plus un non-sens, vivre le moment, et ne plus se laisser déposséder par l'immédiateté, par le temps qui file, ne plus se disperser à en oublier de se recentrer sur soi-même.
Être juste là, se sentir vivant. Se laisser porter par la vie, exister dans le temps, l'apprécier sans rien faire, en étant juste conscient de cet état.
Trop occupés à prévoir l'avenir et à regretter le passé, on en a oublié de vivre le présent.
L'Autre, cet être semblable à vous, qui ne tarit d'éloges qu'à votre égard, qui a de l'estime pour vous, profondément, qui vous respecte, vous fait vous sentir unique, s'intéresse à vous, et n'a pour seule richesse que de la générosité à vous offrir. Être choyé par des inconnus, des êtres qui ont plus de valeurs, que nous autres occidentaux tous réunis.
Qui n'ont dans leur cœur et leurs pensées que de la bonté, et de la joie.
Qui vivent au jour le jour, mais pour lesquels chaque jour a son importance, sa signification, puisque chaque jour est vécu comme s'il était le dernier.
Cet autre qui donnerait tout, et qui pourtant ne possède pas grand chose, rien d'autre qu'un grand cœur et qui se plierait en quatre pour que vous vous sentiez chez lui comme chez vous. Mais l'inverse serait-il possible ?
Et si le vrai bonheur se trouvait ailleurs ? Et si le vrai sens de la vie n'était pas de posséder des choses, inutilement, mais plutôt de se détacher de tout ce que l'on possède, pour retrouver de vraies valeurs, de la communication, et des relations plus vraies, et saines avec autrui, non biaisées par la non-écoute, par l'individualisme et l'indifférence qui s'emparent de chacun d'entre nous sans que nous ayons eu le temps de nous en rendre compte ?
Oublier l'importance de l'ennui, c'est se soumettre à l’hyper connexion, le stress et la peur de ne plus être en action, ne plus être occupé, étrange complexité de notre monde moderne, où il convient désormais de démystifier le rôle de la communication moderne, puisque le vide et le néant font peur, au point de remettre en question ces technologies que l'on n'a eu de cesse de valoriser durant des années.
À mesure que les réseaux d'informations et de communications s'étendent, les relations se dégradent, à force de se voir on ne se voit plus vraiment. À mesure que l'internet rapproche, il nous éloigne parallèlement. On s'enferme dans nos maisons, on se coupe de la réalité au profit d'une réalité altérée, la réalité que l'on veut nous faire voir.
On devient craintif, méfiant, avec un regard plus sombre sur le monde qui nous entoure. Il devient au fur et à mesure plus restreint, on s'enferme nous-même dans ce vase-clos imaginaire, dans ce petit monde où l'on croit se sentir bien, mais qui n'est qu'un leurre.
On se noie dans un flux d'informations négatives, les médias sont tournés vers le malheur et n'ont de cesse de nous le ressasser en permanence, comme s'il n'y avait que des malheurs dans nos vies.
On ne valorise jamais les belles choses, on préfère les taire, le bonheur ça emmerde, ça ne fait pas d'audience, on préfère balancer des horreurs aux gens, ça les rend un peu plus malheureux, et surtout ça fait vendre.
Les inégalités du monde font réapparaître des vérités, l'argent n'achète pas le bonheur, et à la fin il ne restera rien de notre consommation à outrance qui nous empêche de vivre et d'apprécier le moment présent.
La pauvreté serait-elle une richesse paradoxale ? Est-on mieux connecté au monde par l'irréel de l'internet ou en se retrouvant coupé du monde dans un lieu entouré d'individus ?
Voyager m'a appris à apprécier la vie à sa juste valeur, à arrêter de me plaindre du temps qu'il fait, du temps qu'il fera ou ne fera pas, et de choses futiles qui ne seraient même pas acceptables ailleurs.
Les angoisses des malheurs du monde que l'on porte sur ses épaules comme si l'on y pouvait quelque chose. On y peut, certes, mais pas en les ressassant devant un écran toute la journée. On peut chacun changer son mode de vie, sa façon de consommer, à son petit niveau. On peut être le changement que l'on veut voir chez les autres.
Voyager m'a aussi fait ouvrir les yeux sur la valeur et le confort de nos vies, à apprécier la chance que j'ai de vivre là où je vis. Nous fustigeons sans arrêt nos pays, mais nous vivons en démocratie, en toute liberté, avec des droits et des devoirs, mais surtout un toit, alors on passe notre temps à nous plaindre de ce que nous avons, et à vouloir toujours plus, toujours mieux, mais nous avons la chance incroyable d'avoir des hôpitaux pour nous soigner, des écoles pour éduquer nos enfants, et des aides pour subvenir à nos besoins, et tant d'autres chances... Rappelons-nous le chaque jour.
Voyager m'apprend chaque jour à me satisfaire du nécessaire, à me détacher du superflu, à n'acheter que des choses qui ont de la valeur à mes yeux, des choses dont j'ai besoin, plutôt qu'envie, j'y réfléchis toujours à deux fois, je culpabilise même, mais je ne fais plus d'achats compulsifs.
Voyager m'apprend aussi à relativiser chaque jour, à me rendre compte de la beauté des choses, des paysages qui m'entourent, voyager m'apprend à aimer encore plus la vie et mon île, à regarder la nature, à respirer, à regarder autour de moi. On a tendance à ne plus voir les choses qui nous entourent, à ne plus poser l’œil sur notre quotidien, parfois routinier, mais il est là, beau, et la nature nous offre ses plus belles palettes à chaque saison. Il suffit juste de regarder autour soi.
Voyager est une prise de conscience, retrouver des enfants dehors, jouant dans la rue au milieu de la circulation, toute la journée et jusque tard le soir, les voir s'amuser avec rien et rire de tout. S'offusquer et culpabiliser de voir nos enfants tristes, croulant sous des milliers de cadeaux à Noël, à ne plus en apprécier aucun, ne sachant plus s'ennuyer et hébétés devant des écrans à longueur de journées, triste réalité de nos inégalités sociales qui rappellent que la possession, le matérialisme n'est rien qu'un appât factice de notre monde moderne, nous laissant croire que plus nous posséderons plus nous serons heureux. Il n'en est rien, et je me suis promis de vivre différemment et d'inculquer d'autres valeurs que celles-ci à mon/mes enfant(s) le jour où j'en aurais.
Voyager apprend aussi l'entraide, le sourire, les petits bonheurs et petits compliments du quotidien, les joies furtives mais vraies, à réapprendre à s'ennuyer, lire un bon bouquin, jouer à des jeux de société plutôt que traîner devant la télé ou internet, à être soi-même, sans filtre, à passer plus de temps avec ses proches, à être meilleur avec eux, plus indulgents, moins donneurs de leçons, à s'ouvrir aux autres et avoir plus d'empathie.
Revenir de voyage est toujours une étape difficile, car le voyage est une prise de conscience, un rappel de ce que nous sommes, un apprentissage de la vie, la vraie, et des épreuves dont elle fait part chaque jour à l'être humain, quel qu'il soit. Se rappeler de là où l'on vient, de ce que nous sommes, de ce qui nous a fait, de nos valeurs, et du monde que nous voulons pour nous et les générations à venir.
L'importance du partage, de l'écoute, de la bienveillance dont on doit faire part chaque jour à ceux qui nous entourent. Car nous avons la chance d'avoir une vie plus facile, plus aisée que bon nombre de personnes, mais nous n'en mesurons pas toujours le bonheur.
Il est temps d'envoyer paître cette pléthore de superflu dans nos vies, de recoller les morceaux, de se recentrer sur son être, sur ses relations, et surtout se reconnecter à la nature, à la vie.