Bonifacio, d'automne.
Derrière le blanc de son calcaire, derrière ses maisons perchées, sculptée par les embruns marins, se cache une jolie ville, secrète mais dont les ressources sont inépuisables. Bonifacio, le point le plus au sud de l'île et de la France, isthme de calcaire sur la mer, est unique en son genre.
Balade au cœur de cette cité fortifiée qui surplombe la mer.
Il a fallu du courage, et se lever tôt ce samedi-là, pour partir de nouveau à la rencontre de la belle. Trois petites heures me sépare de cette ville de l'extrême-sud. Trois petites heures qui prennent des allures de road trip lorsque l'on emprunte les routes sinueuses de l'île. Et Dieu sait combien cette portion de nationale 196 reliant Ajaccio à Bonifacio peut vite devenir épuisante. Nous nous sommes donc encore levés tôt ce matin-là.
Revoir la belle était la plus grande motivation de ce réveil. Mais la revoir pour les Journées du Patrimoine était à coup sûr l'occasion de la découvrir sous un nouvel aspect, plus culturel cette fois.
Parce que la douceur des jours qui filent laissant présager un hiver rigoureux n'est qu'un prétexte à profiter de l'instant présent. L'été a filé entre nos doigts sans que nous ayons eu le temps de le voir, mais on se l'était promis. Quatre ans après, à la même époque, nous remarchons sur nos pas, dans ce dédale de ruelles qui domine la mer. Quatre ans plus tard, rien n'a changé. La beauté des lieux qui n'est pas sans me rappeler la Caldeira de Santorin, toujours fantasmagorique. La météo non plus, n'a pas changé. On a encore droit à un ciel tout gris. Décidément... Mais même sous la grisaille, Bonifacio reste imperturbable, et l'on y devine d'autant plus la couleur de ses eaux turquoises, si parfaites dès lors que le soleil réapparaît. Le vent, lui, est un élément assez habituel des Bouches de Bonifacio, le détroit qui sépare la Corse de la Sardaigne est enclin à des vents de grand puissance. C'est l'un des endroits les plus ventilés de l'île avec le Cap Corse.
Bonifacio est une citée fortifiée bâtie sur un promontoire rocheux qui lui confère un aspect aussi chimérique qu'invraisemblable. L'occasion de découvrir cela d'un peu plus près, au bord du précipice.
Bonifacio est unique en son genre, on ne la visite pas comme on visiterait n'importe quelle autre ville, on s’y abandonne. Ici le rêve est permis, et la magie opère assez facilement dès lors que l'on pose son regard sur ces immenses falaises suspendues dans le vide. Retenues par une eau, parfois agitée, mais dont la couleur laisse instantanément le spectateur figé.
Inconsciemment, notre mémoire s'évade, on flâne au milieu de ces jolies ruelles pavées.
Outre ses paysages et ses plages de rêve, il est évident que Bonifacio est avant-tout une ville culturelle et patrimoniale importante. Son passé historique témoigne de l'importance de ses origines. Les remparts ceinturent la cité, le Bastion de l'étendard marque l'entrée de la vieille ville, autrefois seul accès via la porte de Gênes. Bonifacio garde l'empreinte de son histoire, comme un livre ouvert sur son passé, que l'on s'imagine au travers de constructions monumentales.
Les Journées du Patrimoine sont l'occasion pour nous ce jour-là de découvrir plus en détail l'histoire de la ville, de s'intéresser d'un peu plus près à des lieux au passé chargé d'histoire. Cela commence par l'Escalier du Roi d'Aragon, façonné par la nature à l'intérieur d'une falaise, il aurait été construit pour accéder à une source d'eau potable. Impressionnant, de par sa pente raide à 45° qui donne le vertige, le plus difficile sera bien évidemment de remonter ses 187 marches...
Autre jolie découverte de la journée, le Capo Pertusato, et j'avoue que cela m'a fait bizarre de découvrir autant de coins inconnus jusque-là pour moi à Bonifacio. Venir ici depuis sa tendre enfance et ne pas en avoir fait le tour, c'est étrange de découvrir encore des choses dans une ville que l'on connaît depuis 30 ans... mais cela arrive encore pour notre plus grand étonnement. Il est vrai qu'au fil des années, on se crée des petites habitudes, on a nos endroits favoris, nos plages idylliques, nos vacances n'ont rien d'étonnant lorsque l'on revient dans une ville que l'on apprécie, après une longue attente, on a tellement envie de revoir ces endroits qui nous plaisent tant, que l'on oublie de penser que l'on pourrait en découvrir encore... bien d'autres.
Bonifacio recèle de grottes et de plages secrètes, que l'on aperçoit souvent du haut des falaises, sans jamais oser y descendre. Certaines criques sont méconnues, accessibles uniquement par des sentiers de littoral, ou par la mer, tout comme certaines grottes, il faudrait y passer plusieurs jours pour en faire le tour.
En retrait du centre-ville, à environ 5 kilomètres plus au sud, le Capo Pertusato est le point le plus au sud de la Corse. Ouvert au public pour les Journées du Patrimoine, le Sémaphore marque la surveillance de cette zone transfrontalière entre la Corse et l'Italie.
Au loin, on peut apercevoir les sublimes Îles Lavezzi, mais ce que nous allons découvrir ici est tout aussi intéressant. Mi-septembre, seuls au monde, nous nous avançons sur le chemin qui descend jusqu'à la petite plage de Pertusato.
Le paysage est bluffant, on sent bien sous nos pieds ce calcaire qui semble fragile résister sur notre passage, de la poussière blanche se répand derrière nous, au fil de nos pas. Malgré la grisaille, il fait particulièrement chaud à cette époque de l'année où l'automne se rapproche. Le lieu nous appartiendrait presque, quelques touristes encore présents profitent du calme de l'arrière-saison et de la douceur des températures pour se baigner.
De notre côté on joue aussi les bons touristes, en découvrant avec béatitude une merveille de la nature. La formation de roches et de grottes dans une mer étourdissante. Malheureusement le temps du jour gâche un peu le cliché, mais c'est pour mieux nous mettre en appétit et y revenir l'été prochain par la mer. Et dire que j'ignorais qu'il existait des coins aussi beaux et vertigineux sur mon île... c'est décidément toujours un plaisir pour les yeux, et des surprises à n'en plus finir que de s'y échapper, été comme hiver, afin de la contempler et en découvrir d'autres beautés.
J'imagine que les lieux dans lesquels on grandit, grandissent avec nous ? On en a une certaine image, qui évolue, une image qui nous est propre, et qui se réajuste au fil des années, au gré de nos retrouvailles, on en redessine les contours, on efface les ébauches, et on retravaille le contenu de nos idées restées au coin de notre tête durant si longtemps.
J'ai mille images à vous conter de ces escapades que je faisais lorsque j'étais enfant, de lieux que je revois aujourd'hui, qui n'ont pas tant changé que ça, et d'autres que je rêve de redécouvrir, voir si l'image que j'en ai gardé est toujours la même, ou si comme moi, elle a évolué ?
J'aurais aimé vous parler d'un Bonifacio plus bleu et plus populaire. De Piantarella, Sperone ou les Îles Lavezzi. Mais la vraie image n'est-elle pas celle des mois les plus longs ?
Du vent, des moutons, parfois de la grisaille. De l'agitation, mais pas de celle des jours d'été. Du temps qui commande et non de notre imaginaire bercé par des eaux nettes et du sable fin. Des ruelles où piétiner sans se confronter à la foule serait une folle lubie. Le Bonifacio que je connais est plutôt comme ça. Abrupt, sauvage par nature...