Bonifacio : du Capo Pertusato à la Madonetta

 

La Cité des Falaises porte bien son nom, perchée sur un rocher calcaire, Bonifacio domine fièrement le paysage, à 70 mètres au-dessus de la mer.
Faisant face à la Sardaigne, elle est la ville la plus au sud de l'île.

Comment ne pas se perdre dans ses nuances de bleus ? Blottie sur sa presqu’île calcaire, la jolie ville de Bonifacio fascine autant qu’elle émeut. Ses falaises s’étendent jusqu’à la pointe extrême de la Corse, le Capo Pertusato, prenant fin avec le Gouvernail de la Corse.

CAPO PERTUSATO

On y accède par une toute petite route se faufilant dans un enchevêtrement de parois rocheuses à la blancheur immaculée. La route s’arrête au sémaphore, d’où débute alors un circuit pédestre de plusieurs kilomètres, permettant de faire de belles balades, offrant des vues panoramiques sur la ville haute mais aussi la Sardaigne, toute proche, et les Îles Lavezzi.

Un dédale de blocs de calcaire nous fait face, où que l’on soit à Bonifacio, et l’on se sent comme privilégiés d’être ici, au milieu de cette nature insolite, le sol est rocailleux, le soleil brûle et les tonalités de bleus s’accentuent aux heures les plus chaudes. Une légère brise se fait sentir, il est rare d’observer une mer aussi fluide, dans ce détroit où convergent de nombreux bateaux quotidiennement. Le vent n’est pas une option ici, en général. Nous sommes chanceux. Pour une fois.

Je m’approche timidement du bord, prise par un sentiment vertigineux de perte de contrôle, je ne me risque pas à plus d’imprudence, malgré le spectacle qui se dessine en contrebas, j’observe avec distance les paysages qui m’entoure, avec émerveillement, comme si c’était la première fois que je venais ici. Encore. Toujours.
Les mêmes émotions m’envahissent, me sentir minuscule dans un espace si vaste, si vivant. Sentir le moindre mouvement météorologique reprendre le contrôle, voir s’entrechoquer les sens, les affres de la vie.

Au bout de plusieurs minutes de marche, le chemin ondoyant entre maquis et roche calcaire mène à un phare, s’élevant au-dessus d’une magnifique plage elle-même marquant le bout de l’île, on se sent ici à la fois infiniment petit, et immensément grand.

Le chemin se poursuit jusqu'à Piantarella, mais il est plus aisé de s'y rendre véhiculés pour des raisons pratiques.

Les jolies plages de Piantarella & Sperone

La route nous entraîne jusqu’à la baie de Piantarella, magnifique écrin au milieu d’un panorama granitique exceptionnel, où la faune et la flore prospèrent et inondent les paysages de leur beauté. Seul bémol, les constructions massives de villas aux abords du littoral, dénotent dans cet environnement à la fois paisible et d’accoutumée sauvage.

Cette année 2017 a été marquée par la présence en masse de posidonies sur le littoral, comme à Porto-Vecchio, depuis cet hiver les plages se sont retrouvées recouvertes de ces plantes aquatiques suite aux tempêtes successives et à la houle.

En Méditerranée, leur protection rend tout enlèvement quasi-impossible, de ce fait certaines plages en subissent la forte odeur et leur présence est quelque fois dérangeante, mais à bien y réfléchir, tout aussi importante. Elles sont le signe d’une mer en bonne santé, un indicateur de la qualité de l’eau. Alors laissons faire la nature, et ouvrons les yeux sur les richesses que celle-ci nous apporte, en mettant de côté les inconvénients ne troublant que notre propre confort.
Tout cela pour dire que même si la plage principale était cette année, exceptionnellement souillée, elle n’en était pas moins à mettre de côté, oh non.

Les activités aquatiques révèlent encore plus la magie de cette baie, que j’aime appeler mon lagon paradisiaque, assimilable en tout point à des plages du bout du monde, mon petit paradis à portée de mains. Face à Piantarella, jaillit une minuscule île, où les goélands ont élu domicile et chahutent à longueur de journées, l’île de Piana.
On peut la rejoindre en quelques minutes en kayak, et en faire le tour allègrement.

Mais la balade aujourd’hui se poursuivra un peu plus loin sur le littoral, de nouveau en direction du sud.

On entre dans un maquis plus charnu, d’où l’on peut observer le panorama plus intensément, au bout du chemin d'où l'on peut contempler un petit site archéologique antique mignonnet avant que la vue ne s’ouvre sur une plage exiguë mais dont les couleurs attaquent la rétine, la plage du petit Sperone. On profite de la quiétude de l’avant-saison pour se laisser transporter par le bruit de l’eau, comme un endroit secret qui malheureusement ne connaît que trop d’affluence la saison venue, cette petite cachette éblouie et nous remet un peu de baume au cœur.

Unes à unes, on enjambe les marches faites de roches locales, puis nous nous immisçons entre une végétation dense, laissant apercevoir de-ci, de-là des morceaux du terrain de golf avoisinant.
Petit à petit nous progressons sur le sentier, parsemé de joueurs de golf d’un côté, et de falaises escarpées plongeant sur une mer transcendante de bleus, on joue à cache-cache à travers le site.

À la fin de cette promenade, un sentier laisse entrevoir une vue attrayante sur une autre beauté, la plage du grand Sperone, tout en poésie, plus vaste que sa petite sœur, elle n’en dégage pas moins de charme.

AU CŒUR DES FALAISES

La fin de la journée approche, on rejoint la ville haute pour y passer la soirée.Le soleil décline peu à peu, rendant notre virée vers le Campu Rumanilu encore plus épique.

Depuis le Col St Roch, nous tournons dos aux remparts de la citadelle et aux maisons perchées sur les falaises puis empruntons un chemin dallé, le même chemin qui, à l’époque, permettait aux paysans de rejoindre la campagne bonifacienne. La lumière joue avec la roche, on crapahute au milieu d’une végétation dense, épineuse et anhydre, bravant la sécheresse et le vent.

Les espèces endémiques ne manquent pas ici, de nombreux bulbes existent dans ce sol abrupt, parmi eux, l’astérolide maritime aujourd’hui fleuri, offre un charme supplémentaire à la balade devenue bucolique au fil de nos pas… On vient ici respirer mais aussi contempler des paysages, et un écosystème mis en exergue par la création de la Réserve naturelle des Bouches de Bonifacio, plus grande réserve naturelle de France avec ses 80 000 hectares de sites protégés. La réserve abrite 37 % des espèces remarquables de Méditerranée.

Les senteurs du maquis se dégagent de cet environnement, et l’on mesure toute la chance que l’on a d’être ici, à cet instant précis. Nous poursuivons notre balade où des balcons empierrés offrent parfois des vues inoubliables sur les roches calcaires et la mer en contrebas. Détaché des falaises, U Diu Grossu (ou Grain de Sable) s’est fait la belle et forme désormais un îlot à part entière.

On pourrait rester ici des heures, à voir la vie comme elle va. Le ballet des oiseaux marins nicheurs, nombreux dans la Réserve, comme les goélands d’Audouin qui paradent souvent ici, offre un spectacle inouï.

Le soleil se couche sur l’autre versant et notre promenade touche à sa fin sur des notes rosées chaleureuses. Nous retournons dans le centre-ville dîner avant de rejoindre notre charmant hôtel, route de Santa Manza, l’hôtel A Trama.

STRADA VECIA

Après un doux réveil dans la cité des falaises, nous entamons cette deuxième journée par une nouvelle balade en pleine nature.
Direction l’ouest cette fois, l’accès n’est pas évident à deviner, malgré les indications prises sur internet, mais nous finissons par trouver, entre deux murs, se cache un petit chemin discret : A Strada Vecia.

Dallé et ombragé sous un maquis dense, il file entre les murs, les montées sont considérables, elles réveillent, parfois se dessinent des morceaux escarpés de chemin en terre, pour reposer nos pieds, puis nous reprenons le rythme.

A Strada Vecia est une ancienne voie génoise, on peut choisir d’effectuer une boucle de 3 heures allant jusqu’à la plage du Fazziò (accessible uniquement à pied ou par la mer).
Nous choisissons de nous concentrer uniquement sur le phare de la Madonetta pour cette fois, et de revenir ensuite sur nos pas. La boucle fera l’objet d’une prochaine escapade.

La montée se fait crescendo, les pavés bosselés nous jouent des tours, on admire cette nature déconcertante, entre oliviers sauvages, et tramizi (hauts murs), parfois se cache un baracun en pierre derrière l’un d’eux, abri en toit pointu témoignant de l’exploitation agricole du passé ; On aperçoit par moment les maisons de la ville haute, comme si elles représentaient le toit du maquis, à peine perceptibles, comme pour mieux les apprécier. Cette balade est vraiment agréable et atypique, le calcaire toujours présent, et de la terre noire surgit parfois sous nos pieds, nous faisant remarquer une fois de plus que cette ville est vraiment unique en Corse (et peut-être même dans le monde ?)

Il faudra attendre un long moment avant de refaire surface. Après plusieurs kilomètres, une terrasse nous offre une vue incroyable, face à Bonifacio. Nous y sommes presque.

PHARE DE LA MADONETTA

Vêtu de rouge et de blanc, surplombant une eau d’un bleu irréel, le phare de la Madonetta marque le point d’entrée du port de Bonifacio.

Suspendu à son rocher calcaire, seul au monde, il apparaît sous nos yeux comme un joyau. On remarque derrière lui les côtes sardes, et les bateaux fanfaronnent dans ce confluent important marquant la limite entre les côtes françaises et italiennes.

On décide d’y descendre prudemment, la roche n’est pas très stable, et le sentier peu marqué, puis nous empruntons les escaliers qui y mènent. On se croirait dans un film tant le paysage est invraisemblable. Nous voici face aux grottes, la roche est encore plus impressionnante vue d’en face, et les bateaux de touristes s’empressent de s’y engouffrer.

On resterait là des heures, à contempler la beauté et la complexité de cet environnement, mais après avoir improvisé un pique-nique et fait des milliers de photos et vidéos, il est déjà l’heure de rebrousser chemin.

Ce week-end à Bonifacio aura été l'occasion de faire à nouveau le plein de bleus et de découvrir des lieux toujours plus beaux, un patrimoine qui fait l'histoire de cette ville hors du commun, qu'il me tarde de retrouver pour de nouvelles aventures.